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Sous ma couette

Sous ma couette
  • Il paraîtrait qu'il faut écrire pour bien comprendre la vie. J'écris depuis depuis tout petite, mais je n'ai jamais compris grand chose. Tant pis, me diras-tu. L'essentiel, c'est que tu me lises. Parce que tant que je parle, j'existe au moins un peu.
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9 décembre 2010

Pute d'attention

Comme beaucoup d'adolescentes, j'étais fascinée par le suicide. Oh, pas pour la finalité de l'action : mourir ne m'intéressait pas. Mais pour la beauté du geste, pour sa force. Ouvrir mes veines, c'était comme partir en claquant la porte. C'était bien beau, mais si personne ne me suivait dans le couloir après pour savoir ce qui n'allait pas, ça ne servait à rien. D'ailleurs, quand je visualisais la scène (le sang qui coule, ma mère qui entre en hurlant, l'hôpital), je ne me voyais jamais mourir à la fin. Où était l'intérêt? Ce n'était pas à ma vie que voulais mettre fin, c'était à mes problèmes. Si j'étais à l'hôpital avec les veines ouvertes, personne ne me demanderait de ranger ma chambre. Personne ne me demanderait de maigrir. Personne ne me demanderait d'avoir de bonnes notes coûte que coûte. Tout le monde se ficherait de savoir que j'étais grosse, moche, que je n'avais aucun talent qui me permettrait d'arriver à quelque chose dans la vie. Et surtout, tout le monde se réclamerait mon ami.
À force de mettre les morts sur un piédestal, il n'y a rien d'étonnant à ce que les jeunes les envient. Je voulais ce piédestal. Je voulais que les filles populaires du lycée qui ne daignaient jamais baisser les yeux vers moi disent "Ah oui, Anne, je la connais bien, je suis tellement triste!". Je voulais que les garçons ressentent le besoin de me protéger. Je voulais clouer le bec à tous ceux qui riaient en voyant les pathétiques marques sur mon poignet et disaient que je n'avais que de la gueule et est-ce-que je pouvais leur léguer mes stylos-plumes par testament?
Je voulais sortir de là, et la seule façon de sortir de là, c'était l'hôpital. Une fois à l'hôpital, on ne se moquerait plus. J'aurais droit à des psys, à des médicaments, et je n'aurais plus à me soucier de rien.
Avec un peu de chance, on m'aurait changée de collège.
C'était une spirale dans laquelle je m'enfonçais, et la seule issue était le fond.
Il aura fallu que ma mère voie les traces sur mon poignet pour que je réalise à quel point je m'étais égarée. À partir du moment où j'ai vu ses yeux s'ouvrir grands après qu'un mouvement innocent a fait remonter ma manche, la spirale a cessé de m'aspirer et m'a rejetée vers le haut. Tout à coup, j'ai vu l'absurdité de mon raisonnement, les vraies conséquences qu'un tel geste aurait, et la trivialité des problèmes qui me semblaient tellement insurmontables. Avant même qu'elle ait ouvert la bouche pour me demander ce que j'avais au poignet, c'était fini. Et la honte s'est installée.
On en parle si souvent dans les journaux, dans les cours d'école, à la boulangerie. De ces jeunes filles qui menacent de se suicider pour faire parler d'elles. Elles sont si ridicules, ces "attention whores" comme on les appelle. Elles sont tout en bas de l'échelle, les plus méprisables des êtres méprisables, qui ne reculeraient devant rien pour qu'on les remarques.
Pourtant la détresse est bien là. Elle n'est pas fondée, elle n'a pas lieu d'être, mais comme les vrais malheureux, l'attention whore pleure la nuit dans son lit. La difficulté est de lui faire comprendre que sa douleur est de sa propre invention.
C'est un mal de vivre que seuls les enfants qui ne manquent de rien peuvent se permettre. Quand Madame Smith fait une dépression, son médecin lui prescrit des anti-anxiolitiques. Quand Melinda fait une dépression, il faut trouver un cutter dans sa table de nuit pour lui prescrire les mêmes.
Pourtant, leurs problèmes sont tout aussi importants.

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3 décembre 2010

J'aime pas les gens. Mais, allez comprendre

J'aime pas les gens. Mais, allez comprendre pourquoi, individuellement, j'arrive pas à les détester. Ça doit être un genre de syndrome de Stockholm.

30 octobre 2010

Le monde


Il paraît qu'il faut écrire pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Ça fait des années que j'écris, je n'y comprends rien pour autant. Mais ça m'avait manqué. Donc même si ça ne sert à rien, allons-y quand même.
Ce blog s'appelle "Sous ma couette" parce que, mine de rien, c'est l'endroit où je me sens le mieux. Au chaud, en sécurité. Avec la certitude que, pendant les quelques heures que durera la nuit, rien ne pourra m'arriver. Le seul endroit où mes angoisses se calment totalement, au moins pour un instant.
Quand je suis blottie dans l'obscurité réconfortante, doucement caressée par les ondes de chaleur qu'émet son corps à côté de moi, le temps s'arrête et je suis bien.
Peut-être que c'est ce que je veux créer ici. Un endroit hors du temps où je pourrai être moi sans barrières. Pour crier, pleurer, rire, et rêver, beaucoup. La vie impose tant de limites qu'il faut se créer quelques niches. Un endroit où je peux tout dire.

Pour la réalité, quelques mots. Je suis étudiante. C'est à dire que je suis à un stade bâtard entre l'adolescence et l'âge adulte. Certes, j'approche du demi-siècle (je le frôle même d'un mois ou deux), pourtant, tant que je n'aurai pas de fiche de paie et que je ne rentrerai pas le soir en me plaignant de mes collègues, ce monde ne me prendra pas au sérieux. Tant que je peux payer deux euros de moins au cinéma, je ne m'en plains pas.

Je vis en ville. Un quartier qui ressemble en fait à un village, presque bohème quand ça lui chante. J'ai toujours vécu à la campagne avant ça, j'ai du mal à m'habituer au bruit, à la promiscuité, et aux odeurs. Mais je me suis très bien faite à la proximité des commerces, allez comprendre pourquoi. Mon problème majeur, c'est la circulation.

Ma voiture est à la fois mon doudou et mon bourreau. Je l'aime quand elle est lancée sur une longue route, quand elle ronronne et me berce, quand ses phares percent la nuit pour éclairer des panneaux grisâtres dont les noms mêmes me semblent sonner comme une berceuse bien connue. Je la hais quand elle se fond dans la masse de roues et de capots, quand elle continue à rouler, quand je ne sais plus où elle va, quand elle me handicape parce que finalement, j'irais plus vite à pied, et que au moins, je pourrais faire demi-tour sans clignotant. Mais que je l'aime ou que je la haïsse, une chose ne changera jamais : derrière un volant, je crains tout le monde. Et parce que la peur n'est jamais bien loin de la haine, dans ma voiture, je suis une misanthrope qui ne se soigne pas.

Je vis en couple. J'apprends à faire des concessions là où je n'en faisais jamais, et à penser à deux. C'est plus difficile que ça n'en a l'air, mais je ne changerais ce mode de vie pour rien au monde. La simple idée de le perdre me fait oublier toutes mes autres angoisses. Il est la seule personne au monde que je veux voir quand tout m'assaille. Le seul qui calme mes peurs.

Car j'ai peur de tout. Je règne sur mon univers, celui que je connais et que je contrôle. Le monde extérieur est une bataille, et les personnes qui la composent sont autant d'ennemis que je n'ose pas affronter. Je rêve de pouvoir m'enfermer dans une bulle et ne plus devoir en sortir. À défaut, je reste entre mes quatre murs et je communique par ordinateur. Mon quotidien est rythmé par quelques trajets que je connais bien et que je fais les yeux fermés. La moindre sonnerie de téléphone est une angoisse inattendue.

Pourtant, paradoxalement, j'ai un besoin profond d'être aimée. On me dit gentille, douce, adorable, généreuse. On a tort. Je ne suis pas gentille. Quand je tends la main, ce n'est pas pour rendre le monde meilleur. Quand je tends la main, c'est pour qu'on m'aime. Rien ne me fait plus plaisir qu'un message de remerciement. Plus encore quand tout le monde peut le voir. Je veux qu'on m'aime, et je veux qu'on le sache. Car quelqu'un qui m'aime est une barrière de plus contre le monde. La personne qui me regarde contre tous ces anonymes qui me tournent le dos.

J'aimerais dire que je me soigne.

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